Le mémorial de la Madeleine
A quelques encablures de la prison et derrière le refuge de la S.P.A Noé, on voit souvent flotter un drapeau au-dessus d’une butte de terre. Cet endroit a connu des moments dramatiques pendant la deuxième guerre mondiale. Il a été le théâtre d’une tragédie qui coûta la vie à seize résistants de la région, seize résistants, tous très jeunes, fusillés au pied de cette butte.
Louis Plantade (19 ans), et Antoine Mirallès (21 ans) appartenant aux F.T.P (Francs-Tireurs et Partisans) du maquis Grandel seront fusillés le 14 mars 1944. Deux autres résistants, Henri Garcia (23 ans) et Louis Bonfils (23 ans) tombent sous les balles de l’ennemi le 22 mai 1944. Ils avaient participé à l’assassinat du commissaire Roche, jugé collaborationniste.
Jean-Marie Pitangue (17 ans) est fusillé le 31 mai 1944 pour avoir jeté une bombe à l’intérieur de l’hôtel Métropole de Montpellier. Il est exécuté avec son ami Raymond Migliario (17 ans) avec qui il avait coopéré pour faciliter le bombardement de l’aéroport de Fréjorgues. Georges Pierru (23 ans), accusé de plusieurs plasticages est exécuté avec eux. Les trois appartenaient au groupe franc de Combat de Montpellier.
Le même jour, trois autres personnes subissent le même sort : Louis Rachinel (31 ans), François Gaussen (19 ans), Aimé Sauvebois (23 ans).
Ainsi, ce même jour, les six jeunes gens refusent d’avoir les yeux bandés et d’être attachés. Ils se prennent la main et entonnent la Marseillaise pendant que crépitent les balles. Cette attitude courageuse leur valut les honneurs du peloton d’exécution qui venait de les abattre.
Le 30 juin et le 11 juillet 1944, ce sont six membres du groupe FTP de Perpignan qui seront exécutés au pied de la butte de la Madeleine. Victimes d’une dénonciation, ils sont arrêtés au cours d’une mission avortée. Roger Menuisier, (22 ans, gardien de la paix), René Sénégas (22 ans), Pierre Auriol (38 ans, chauffeur), Gabriel Hispa (30 ans, gardien de la paix), Joseph Sauri (25 ans, cultivateur) et Pierre Stroll (22 ans, employé SNCF) accusés d’être les auteurs de plusieurs attentats dans les Pyrénées Orientales sont condamnés à mort et fusillés. Parmi eux le pauvre Sénégas victime d’une homonymie est confondu avec un autre René Sénégas. Il sera quand même fusillé sans avoir pu prouver son innocence.
Le tribunal militaire ou la cour martiale de la Milice de Montpellier exercent souvent une justice expéditive, sans instruction ni défense.
En tout, ce sont seize jeunes gens qui ont été fusillés au pied de cette butte entre le 14 mars et le 11 juillet 1944.
Le 24 août 1947, dans le cadre du 3ème anniversaire de la libération de Montpellier, pour la 1ère fois, une délégation officielle se rend au pied de la butte du champ de tir pour rendre hommage aux « fusillés de la Madeleine ». La délégation est menée par le lieutenant-colonel René Poitevin qui va leur rendre un vibrant hommage.
« …C’est devant cette plaque où sont gravés leurs noms, face à leur souvenir qui doit rester impérissable, que nous devons puiser les idées nobles et généreuses qui nous animeront, et proclamer l’Union et la Fraternité entre tous les hommes de bonne volonté, pour qui nous sommes, et resterons toujours les meilleurs champions »
Depuis ce jour, les autorités civiles et militaires viennent régulièrement rendre hommage à ces jeunes gens qui au péril de leur vie n’ont pas hésité à s’opposer et à combattre les ennemis de la liberté.
Quelques années plus tard, les anciens résistants regroupés au sein de l’ANAR (Association Nationale des Anciens de la Résistance) souhaitent édifier un monument à la mémoire de leurs jeunes compagnons dont la disparition les a terriblement affectés. Ils veulent un emplacement plus facile d’accès. En 1954, Etienne Sicard, propriétaire de domaine de la Madeleine leur propose gracieusement une parcelle de terrain situé au croisement de la route de Fabrègues et de l’ancienne RN 112. Mais l’ingénieur des Ponts et Chaussées oppose un refus catégorique à ce projet pour des raisons réglementaires. Le préfet passe outre cette interdiction et donne « sa bénédiction ».
Le monument sera construit en catimini par 6 ouvriers un dimanche, avec la complicité bienveillante du préfet. Il sera inauguré le samedi 12 juin 1954.
Les monuments commémoratifs
Il y a donc deux monuments commémoratifs sur le secteur du champ de tir de la Madeleine.
– Une plaque sur la butte du champ de tir, sur le lieu-même des exécutions. Elle porte les noms des jeunes résistants dans l’ordre alphabétique, avec les dates des exécutions et leur âge.
– Un mémorial à l’intersection de la route de Fabrègues (D185) et de la route départementale 612 de Sète à Montpellier. Une stèle complétée par seize monolithes. Chacun est gravé du nom d’un résistant.
En 2008, l’ANAR cède à la commune la parcelle qui abrite le mémorial des stèles. C’est désormais la commune de Villeneuve qui en assure l’entretien.
Nous ne pouvions clore ce chapitre sans évoquer la mémoire du jeune Pierre Bouissinet tombé sous les balles des allemands le 17 août 1944. Ce jeune villeneuvois résistant fut surpris en train de saboter deux canons en gare de Villeneuve et fusillé sur le champ.
Le 14 octobre 1944, le comité de Libération présidé par Joseph Serveille décide d’appeler le groupe scolaire « Pierre Bouissinet » en mémoire de ce jeune héros villeneuvois.
Texte : Alain Guerrero – Historien