Chronique d’Alain Guerrero, notre « historien » local.
Lors de la séance du 4 avril 1919, le maire Marius Bouladou décide la construction d’un monument aux morts pour honorer la mémoire de tous les enfants de la commune « Morts pour la France » pendant la guerre de 1914/1918. « Il faut que leurs noms soient conservés et gravés éternellement dans la mémoire de notre population. Je vous propose donc d’élever en l’honneur de ces enfants de Villeneuve, un monument commémoratif qui devra être une preuve absolue et éternelle de notre admiration et de notre reconnaissance« . Tels sont les termes de la délibération. Ce sera le dernier acte de magistrat du maire Bouladou, qui décèdera le 4 mai 1919 à l’âge de 52 ans.
L’architecte Charbonnier de Montpellier propose à la municipalité dirigée maintenant par Marius Catineau, un projet grandiose représentant une majestueuse égérie guerrière (photo n°1). Ce projet sera entériné par le conseil municipal le 29 avril 1921. Le monument prévu a 6,60 m de haut et il est composé d’une statue de 2,30 m posée sur un socle de 3,20m. Le devis estimatif est de 48 500 francs. Une souscription publique organisée auprès des villeneuvois rapporte un peu plus de 12 000 francs. Mais des difficultés financières vont obliger la municipalité de Marius Catineau à renoncer à la réalisation de ce projet et à s’orienter vers une statue plus modeste.
Ce sera un Poilu représenté l’arme au pied, œuvre du sculpteur nîmois Jean Mérignargues. La statue sera réalisée en marbre de Carrare non veiné, d’une hauteur de 1,80m. Cet entrepreneur-sculpteur réalisera également les monuments aux morts de Palavas, Fabrègues, Vendargues, Teyran, St Génies des Mourgues. Le montant total du nouveau projet s’élève à 22 000 francs. Les contingences économiques ont eu raison de l’ambition de la municipalité Catineau. Le monument sera érigé sur une parcelle de terrain de 156 m2 cédée par Scipion Bergagnon et située en face la mairie, place de la bascule (photo n°2). Il sera inauguré le 29 juillet 1923 en pleine campagne du raisin de table. La plupart des monuments réalisés par Jean Mérignargues et son atelier, sont sous-traités en Italie. Jean Mérignargues signe néanmoins abusivement avec le titre de sculpteur. Celui de Villeneuve n’est pas signé, ce qui laisse supposer qu’il a été sous-traité en Italie. Le nouveau maire Catineau, aussi anticlérical que son prédécesseur interdit au curé de bénir le monument et de se présenter en habits sacerdotaux. Les catholiques boycottent la cérémonie et décident la construction d’un autre monument [mais ça, c’est une autre histoire]. Le monument aux morts sera inauguré en grandes pompes en présence du conseiller général Victor Andrieu. Les sociétés musicales de Frontignan animent la cérémonie avec la participation des enfants de l’école.
Sur la plaque du monument, sont gravés 55 noms. En 1924, le monument sera complété d’un entourage composé d’une bordure en pierre de Pompignan et d’une grille en fer forgé pour un montant de 4 750,20 francs (photo n°3). Cette grille a aujourd’hui disparu. On peut lire les noms des Poilus villeneuvois morts pendant la 1ère guerre mondiale sur différents endroits de la commune : le monument aux morts, la croix de la Mission de l’avenue de la Gare, la plaque du mémorial à l’intérieur de l’église St Etienne et le panneau de l’ancienne salle du conseil de la mairie. La confrontation et la comparaison des ces différentes listes nous amène à un nombre de 60 victimes.
Le monument aux morts des catholiques :
L’abbé Martin, curé de la paroisse vexé par l’attitude du maire, demande aux catholiques de participer au financement d’un monument en mémoire des soldats catholiques tombés au champ d’honneur. En peu de temps, une souscription couvre les frais d’érection d’un monument surmonté d’une croix monumentale. Le monument des catholiques, sera élevé en haut de l’avenue de la Gare sur un terrain donné par Pascal Vassas. L’inauguration aura lieu le 4 mai1924 en présence de Monseigneur Mignen, évêque de Montpellier. Sur la plaque commémorative, on ne lit que 31 noms alors qu’il y en a 55 sur celui du monument aux morts. Certains patronymes figurent sur les deux monuments. Par contre, d’autres n’apparaissent que sur celui de la Place des Héros. Chacun pouvait compter les siens ! Avec le temps, les divergences se sont apaisées, et seul demeure le souvenir de ces villeneuvois emportés trop jeunes dans le tourbillon de la guerre. Ce monument est là pour honorer leur mémoire. C’était le désir de Marius Bouladou.
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